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Le déficit fonctionnel temporaire : quel niveau de précision ?

Dans un arrêt en date du 11 mars 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt précisant les contours de l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire (Cass. Civ. 2ème, 11 mars 2021, n° 19-15043).

Pour rappel, selon la nomenclature Dintilhac, le déficit fonctionnel temporaire vise « l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est à dire jusqu’à sa consolidation ».

En outre, le déficit fonctionnel temporaire traduit « l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu’à sa consolidation » : ce poste « correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime, mais aussi à la « perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante » que rencontre la victime pendant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique, etc.) ».

Partant, le déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé in concreto par les juges du fond, dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation et son indemnisation prend le plus souvent la forme d’une somme journalière ou mensuelle appliquée aux différentes constatations médicales retenues.

Dans le cas de l’espèce, dans un arrêt en date du 13 décembre 2018 (10ème chambre – n° 17/14506), la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait considéré que le déficit fonctionnel temporaire de la victime devait être réparé « sur la base d’environ 800 euros par mois » étant précisé qu’en application de ce principe, elle avait considéré qu’un mois était invariablement composé de 30 jours et que la somme de 800 € devait être allouée pour un déficit fonctionnel temporaire total sur un mois (par exemple : un déficit fonctionnel temporaire total de 33 jours avait été réparé par l’octroi d’une somme de 880 €).

La question se posait alors de savoir si cette formulation n’était pas trop imprécise, voire approximative (« environ ») au regard de la jurisprudence actuelle sous peine d’encourir la cassation.

Il était en effet tentant de faire une analogie avec un arrêt récent rendu par la première chambre de la Cour de cassation (Cass. Civ. 1ère, 17 févr. 2021, n° 19-21622) aux termes duquel les juges de la Haute Juridiction ont considéré que la Cour d’appel de Pau avait violé le principe de réparation intégrale en arrondissant la somme allouée au titre du déficit fonctionnel permanent (100.000 € vs 102.277 €).

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation ne choisit pas cette solution puisqu’elle considère que « c'est donc par des motifs exempts de tout caractère dubitatif et procédant à une évaluation qui ne revêtait pas un caractère forfaitaire que la cour d'appel, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de l'étendue du préjudice soumis à réparation, l'a fixé à la somme qu'elle a retenue ».

Cette solution est bienvenue dans la mesure où l’usage de l’expression « environ » est certes maladroit mais il ne remet pas en cause un calcul détaillé se fondant sur les conclusions médicales expertales et ce, d’autant plus que cette expression est régulièrement utilisée par les juges du fond (CA Aix-en-Provence, 13 mars 2014, n° 13/06777 ; CA Aix-en-Provence, 13 mai 2015, n° 14/02317…) même si l’application taux journalier éviterait le plus souvent cette difficulté.

Ecrit par
Maître Thomas Laurent