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Direction du procès et sa mise en œuvre : apports jurisprudentiels

L’article L.113-17 du Code des assurances dispose que « l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès. L'assuré n'encourt aucune déchéance ni aucune autre sanction du fait de son immixtion dans la direction du procès s'il avait intérêt à le faire. »

Ce texte régit le principe de direction du procès en droit des assurances, le terme « procès » étant compris comme recouvrant le sinistre dans sa généralité et pas seulement le contentieux judiciaire, qu’il s’agisse d’assurances de choses ou d’assurances de responsabilité civile.  

Il n’apporte cependant aucune indication permettant la mise en œuvre pratique de cette fameuse « direction du procès » dont les effets peuvent être redoutables notamment pour les assureurs. 

C’est pourquoi, la jurisprudence est venue compléter ce vide légal.

La première chambre civile de la Cour de cassation est venue dans un premier temps préciser, pour ne pas dire limiter, la portée de la direction du procès visée par l’article L.113-17 du Code des assurances : « Attendu que les exceptions visées par ce texte, en ce qu'elles se rapportent aux garanties souscrites, ne concernent ni la nature des risques garantis ni le montant de cette garantie »(Cass. Civ. 1ère, 8 juillet 1997, n° 95-12.817). 

Cette position avait été confirmée par la 3ème chambre civile de la Haute Juridiction (Cass. Civ. 3ème, 27 octobre 2016, n° 15-25.143).

C’est dans cette lignée que s’inscrit l’arrêt rendu très récemment par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence(CA Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 2 septembre 2021, n° 17/13527).

En l’espèce, une Société Civile Immobilière avait fait construire un immeuble composé de sept appartements et confié le lot carrelage à une entreprise qui aurait pris du retard dans l’exécution de son contrat tout en commettant des malfaçons si bien qu’une expertise judiciaire était ordonnée et étendu à l’assureur responsabilité civile décennale de ladite entreprise titulaire du lot carrelage.

La SCI soutenait que l’assureur en question avait pris la direction du procès intenté à son assuré et que, de ce fait, il avait « renoncé à se prévaloir de l’absence de garantie de la responsabilité contractuelle ».

Les juges de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence déboutent la SCI aux motifs suivants :

1. L’assureur avait pris un avocat distinct de son assuré ;

2. Les dires adressés à l’Expert Judiciaire sont au seul nom de l’assureur ;

3. Les travaux n’ont pas été réceptionnés de sorte que l’assureur a explicitement invoqué une absence de garantie de sa part ;

4. La responsabilité de l’entrepreneur a été retenue par le Tribunal sur le fondement de la responsabilité contractuelle et non de la responsabilité décennale.

Et de conclure : « aucune renonciation à se prévaloir de l'absence de garantie de la responsabilité contractuelle n'aurait pu lui (l’assureur) être opposée. »

Cette décision illustre une nouvelle fois l’incidence de la jurisprudence lorsqu’il s’agit de définir les contours de la mise en œuvre du principe de la direction du procès et ce à un point tel qu’elle doit inciter l’assureur à plus de vigilance dans les mesures de gestion prises, dès la réception de la déclaration de sinistre, y compris celles réalisées par ses prestataires extérieurs (notamment experts et avocats),sous peine de devoir prendre en charge un dommage non couvert par le contrat d’assurance…

Ecrit par
Maître Xavier Laurent