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Le déficit fonctionnel permanent en cas de faute inexcusable

Le 20 janvier 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence majeur relatif à l'indemnisation des dommages personnels survenus à la suite d’un accident du travail dans le cadre duquel la faute inexcusable de l’employeur a été reconnue.

 

La Haute Juridiction était notamment interrogée sur la question des postes couverts par le versement de la rente, plus précisément le déficit fonctionnel permanent.

  

Aux termes de deux arrêts ayant les honneurs d'une publication au Bulletin, la Cour de cassation a jugé que "la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent" alors qu'une jurisprudence constante considérait jusqu'à présent que la rente indemnisait l'incidence professionnelle, d'une part, et le déficit fonctionnel permanent, d'autre part.

En application des dispositions de l'article L.452-3 du Code de la sécurité sociale, il était alors précisé que les souffrances physiques et/ou morales pouvaient être sujettes à une indemnisation distincte, à condition qu'elles n'aient pas été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, poste de préjudice pris en charge dans le cadre du versement de la rente.

Une telle solution n'avait jamais été remise en question dans la mesure où le principe de réparation intégrale ne s'applique pas aux accidents du travail, à la différence du droit commun.

Force est de constater que le pouvoir prétorien apprécie de plus en plus largement les postes de préjudice auxquelles les victimes de fautes inexcusables peuvent prétendre si bien qu'on peut raisonnablement s'interroger sur le caractère intégral de la réparation qui s'affranchit de plus en plus des dispositions de l'article L.452-3 du Code de la sécurité sociale : "Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle".

Au-delà de cette question, une problématique spécifique au cas du déficit fonctionnel permanent va nécessairement apparaître dans les prochaines années : sur la base de quel taux d'A.I.P.P. (Atteinte à l'Intégrité Physique et Psychique), le calcul du déficit fonctionnel permanent doit-il être réalisé par les juridictions ?

Alors que la majeure partie des juridictions retiennent une méthode de calcul consistant à multiplier le taux d'A.I.P.P. à une "valeur du point", ce poste de préjudice serait manifestement surévalué pour les victimes d'accident du travail dans la mesure où le taux d'A.I.P.P. calculé sur la base du Code de la sécurité sociale intègre une composante "professionnelle" non réparée par le déficit fonctionnel permanent, tel que défini par la nomenclature Dintilhac.

En pratique, deux solutions semblent envisageables pour les juridictions du fond à savoir modifier la méthodologie de calcul qui ne doit pas reposer sur le taux d'A.I.P.P. ou estimer le déficit fonctionnel permanent sur la base d'un taux d'A.I.P.P. obtenu grâce au Barème du Concours Médical, barème utilisé en droit commun.

À n'en pas douter, ce revirement jurisprudentiel suscitera de nouveaux débats dans le futur...

Ecrit par
Maître Thomas Laurent